Celles et ceux qui auront eu la curiosité de m’endurer en spectacle n’ignorent plus rien de la charcuterie comique, et du comment ce fléau me transforma naguère en un pitoyable toxicochon. Voilà qui me confère quelque expertise, dont je me prévaux pour rappeler ce jour le b-a-ba prophylactique en matière de grippe porcine.
D’abord il faut rappeler que le danger ne se limite pas aux truies, verrats et gorets. En Amérique du Sud, le pécari aussi est un porcin. On considérera donc avec suspicion tout pétomane hilare.
Gare aux idées reçues. Le porc est gros, mais il est beau. En général, le laid est plutôt sanglier, tandis que, vraiment, le porc est mignon, surtout dans le filet. Certes, une femme qui a un porc de reine n’est pas fatalement une cochonne, mais il se peut qu’elle se soit laissée conte-à-minet. Pour s’en assurer, on vérifiera si elle est mignonne aussi dans le filet.
Le porc grogne. Le porc est un grognon. Attention : si votre bru vous colle un gros gnon, c’est qu’elle vous a pris en grippe (quelle pêche, ce bru-gnon !).
Méfions-nous des messieurs pareillement. En tout homme sommeille un cochon. S’il s’éveille, que déciderez-vous, mesdames : le porc oui, ou le porno ?
Outre les femmes et les hommes, une autre catégorie à risques : les chômeurs, qui en général se sont faits virer. N’oublions pas que la grippe est une maladie d’origine virale. On interdira judicieusement les attroupements de chômeurs (elle tombe à porc-épic, cette épidémie !). On sera moins regardant avec les joueurs de pétanque, qui sont déjà malades. En effet, si les chômeurs ont les boules, les pétanquistes ont les boules et le cochonnet.
Certaines attitudes doivent nous alerter, qui trahissent le grippé porcin : un regard en groin, par exemple, ou un mot de travers. Ou encore un charcutier qui vous fait l’apologie du plat de côte. Comment une côte peut-elle ni monter ni descendre ?
Mais en vérité, comme le souligne mon ami Odilon Kandicour, le célèbre saucissologue, « pour échapper au mal, il n’est que de cultiver une âme saine dans un porcin ! ».
dimanche 10 mai 2009
Du retour du toxicochon
mardi 3 mars 2009
Des endives et des endymions
Aux amis du chicon, je ne saurais trop recommander la glose désespérée que lui consacra Pierre Desproges (in Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis). « Fade jusqu’à l’exubérance », ce légume imprègne qui le consomme au point que « l’homme qui s’adonne à l’endive est aisément reconnaissable, sa démarche est moyenne, la fièvre n’est pas dans ses yeux, il n’a pas de colère et sourit au guichet des Assedic ». On ajoutera que l’endive et le prolo ont encore cela en commun d’être obtenus par forçage dans l’obscurité. Or au sortir de l’hiver, les endives guadeloupéennes trémulent de la paupière. On les croyait bel et bien blanchies, mais par une endivine surprise, les endives reprennent des couleurs. Hélas, d’outre-tombe, Desproges n’écrira pas d’hommage au radis noir.
Pendant ce temps, perce en nos chemins sylvestres le vert décidé des endymions penchés dont les bleues corolles embaumeront le printemps naissant, mais moins bien quand même que n’odorifèrent entre les gondoles des grands magasins les vesses alambiquées des parfumeurs industriels. Le mystère de l’endymion penché réside en cela justement qu’il penche. Pour qui, pourquoi ? La réponse n’est pas à la hauteur de l’espoir suscité par cette fleur gracile et précoce. Le berger Endymion obtint de Zeus qu’il demeurât plongé dans un sommeil sans fin, de sorte qu’il ne vieillirait point. En réalité, si l’endymion penche, c’est qu’il s’apprête à tomber de sommeil.
Dans le sombre purgatoire de l’Avaleur-Travail, la fade et souffrante endive s’éveille et se dresse. Dans l’Eden arboré, l’endymion, bel indifférent, penche et pionce. Emerge de ton rêve, Endymion, entends le cri des endives en colère : « chiquons ! chiquons ! chiquons ! ».
mercredi 10 septembre 2008
De la bimbeloterie
A Taipei, en compagnie de Serge Dreyer, de Vincent Ruche et de votre Blogographe, vingt-cinq étudiants d’Asie ont ensemencé une graine machicotienne. Ainsi est né à l’Orient le Cirque du Détour…
Retour d’Asie. La sensation d’être éjecté d’un vortex bariolé. Taipei l’immense, populeuse et qui bosse, noria de scooters et de rires, enchanteresse aux papilles et parfois démoniaque au nez. Densité record mondial, course au pognon, arsenic en goguette, certes… mais on se sent si fluide en arpentant les venelles blindées bondées. Pas de tags pissouilleux marquant de tristes territoires, nulle resquille dans le métro, le vendeur qui te rattrape pour te rendre la monnaie qu’il aurait pu facilement te carotter vu que tu piges couic à la langue et aux idéogrammes. Les femmes gracieuses, les hommes courtois, l’élégance en simple T-shirt. Le regard aérien, tandis qu’au sol le poisson cru côtoie la bouche d’égout. Et les dieux et les fantômes qui se partagent un gâteau de lune au sommet des hyper-buildings. C’est imparfait, Taipei, comme partout : l’enfer pour certaines, le purgatoire pour beaucoup et l’illusion paradisiaque pour quelques uns. La mégapole a ses parfums, mais au moins ça ne sent pas l’eau de Javel. On me disait : la beauté première de Taiwan, c’est son peuple. Je confirme. Taipei la belle.
Retour d’Asie. A Amsterdam, déjà, la pression, l’agressivité quasi palpable dans la file d’attente alors qu’on est tous sûrs d’embarquer. Mon Ethargie de l’Ouest, qui me paraît désertique. Il me faut descendre à Pont-Triste-Vie pour y poster un colis. Dans le hall de la poste, je tombe des nues. On y vend désormais des albums timbrés, OK, des crayons de couleur, passe encore, mais aussi des films en DVD et même… des pochettes-surprises ! Je proteste, rejoint en cela par un brave monsieur qui nargue de son mégot le sanitairement correct et de sa gouaille la résignation convenue : « moi, lance-t-il, l’autre jour j’ai demandé une boîte de cassoulet, mais y en avait pas ! ». Le service public s’apprête à fermer les deux agences proches de chez moi, et se privatise en loucedé, se la joue bimbelotier. Ca ne colle pas, ce pauvre étal ici. Pour tout dire, c’est minable.
A Formose, il n’est pas un quart de mètre carré qui ne soit petit commerçant. Pourtant ça ne vous oppresse pas, ça coule comme une évidence millénaire. Ici, n’en déplaise aux speedés d’une Ethargie libérale, pareil foisonnement n’est pas dans notre culture. L’Asie triomphera si elle reste naturelle et se gaufrera si elle persiste à nous singer. Ibidem, la notion de service public est la garantie de notre survie, et à vouloir multiplier hors de raison l’écu sonnant et trébuchant, nous trébuchons déjà, et nous en sortirons sonnés.
mercredi 18 juin 2008
De l'amourhhée
J'ai planté trois petits palmiers dans mon jardinet simplet. Faut-il les arroser? L'ami Stang, qui vient à passer, m'en dissuade. D'une main d'autorité, il creuse le sol dessiqué. Plus en profondeur, la terre est humide. "Les racines vont devoir s'allonger pour aller chercher l'eau", conclut-il. "Ainsi tes arbres seront mieux ancrés, plus résistants. Si tu arroses, les racines se la joueront feignasses, en surface. Et au premier grand vent, au revoir tout le monde!".
Ainsi de l'amour, soliloqué-je sous l'oeil ahuri de mes melons et pimprenelles. Je sentimente, au débouché d'une scrutation quinquagénaire du biotope où je m'emberlificote, que plus ça va, plus les gens aiment leurs mioches. Et que ça sirupe à tire-larigot, au kilomètre au kilo! C'est-y qui qu'on aime vraiment quand on aime autant? Va savoir. C'est-y quoi qu'on ancre en soi? Et ces enfants trop imbibés,aux racines aériennes, résisteront-ils à l'ouragan prochain?
Tu sais quoi, camarade blogogriphu(e)? En ce trop-plein d'amour déversé, j'en viens à regretter le voussoiement, la distance, le respect de la porte close, le danger du silence. Certes, du temps de la crinoline, ça swinguait sec de la névrose dans les familles réfrigérées. Mais l'excès inverse? L'amourrhée, je l'appelle, est un fléau tout pareil.Une pathologie qui s'hérédite. Une maladie orpheline, comme on dit fort à propos. Car elle fait des orphelins d'enfants qui ont trop de parents.
Ceci posé, je l'avoue, j'ai quand même arrozilloté mes palmiers. Quelques gouttes. La juste mesure, espéré-je...
mardi 10 juin 2008
Du fait d'oser
Eulalie du Midi et son mari élèvent du vin. Un blanc qui vous diabligote le palais en mille et une nuits tant il ouvre d’arrière-chambres capiteuses. Ils vigneronnent leurs élixirs à flancs de coteaux. De chez eux, on contemple la plaine, la moquette à piquette. Eulalie s’étonne. Au Braise-Deal, on fait du carburant à partir d’alcool de canne. Pourquoi ici on n’en produirait pas à partir du raisin, plutôt que de subventionner l’arrachage des ceps ? Tout existe : les distilleries en nombre, le savoir-faire, la ressource humaine… En prime, ça valoriserait les bons crûs. La bibine industrielle exploserait les moteurs, et non plus les foies cirrhotiques. Les mauvais plants : un bon plan ! Eulalie n’est point niaise : elle sait l’omnipotence de la pétrocratie. Mais elle s’ahurit : en pleine crise existe-essence-ciel, comment se puissé-ce que nos élites étiolées somnolent sur le gisement des litres étoilés ? Il suffirait juste d’oser !
P’tit-Conservatoire est viticultrice, elle aussi. Elle a repris le domaine de ses parents, en douzième génération ! Trente hectares d’alchimie. Et un Mourvèdre à fissurer le gosier le plus janséniste. Au sommet d’un paisible pech (ainsi les Tant-occis désignent-ils une colline) une demeure altière se laisse courtiser par la langue sinueuse d’un sentier bordé d’oliviers vieux. L’endroit est superbe. Trop, peut-être. P’tit-Conservatoire se demande si ça n’intimide pas le flâneur de passage. Nous lui avouons que nous avions déjà repéré l’endroit, mais sans nous y aventurer. Et si P’tit-Conservatoire n’était pas venue nous voir en spectacle, nous serions passés à côté d’une belle rencontre et d’un vrai plaisir papillaire… alors qu’il nous suffisait juste d’oser !
samedi 31 mai 2008
Des p'tits frigos sur l'eau
A seulement quelques encablures, les marins pêcheurs de la Mermaid sont au désespoir. Les pompes s'enivrent. Le gas-oil est pompette. Et les métiers à moteur ont la gueule de bois. Les bateaux pour de vrai vont couler, tandis que les bateaux pour de faux pullulent. Satané progrès !
Les amies charmantes qui nous accueillent ici tiennent une librairie, à ce qu'il paraît le plus grand repaire de livres anciens connu en Europe. Les reliures par dizaines de milliers y patientent, font le dos rond pendant que se noient les travailleurs des embruns et que oisivent les rentiers de l'emprunt. Les livres ont de la feuille, c'est bien connu. Ils nous entendent avec l'acuité des reclus en silence. Et ils ont réponse à tout. Aujourd'hui, je me demande s'il n'est pas vain d'opposer contrepèteries et pirouettes au déferlement blindé de la sottise. IlnI m'offre un exemplaire de La Cloche de Ferragus, tonitruant pamphlétaire anti-Napoléon III. Au premier hasard, j'y lis ma consolation: "le calembour est au fond de tout; c'est ce qui rend le français indispensable au monde".
samedi 17 mai 2008
Du rapportage à quatre chandelles
L’orage roulait à contresens. En dix ans, Stang ne l’avait jamais vu se comporter de la sorte. Epoque épopique, où nos ondes maléfiques perturbent jusqu’aux perturbations.
Dans l’affaire, nous avons laissé un disjoncteur. Promptement, le réseau électrique réagit à notre détresse, et son technicien, Ohm-Homme-Ôm, déboule à la maison. Il s’étonne de ce que notre installation ne soit point scellée, et au terme de son intervention, il plombe règlementairement les appareils sous tutelle edéèfienne. En vérité, m’avoue-t-il, il aurait dû s’en abstenir, signaler l’anomalie à sa hiérarchie, qui nous aurait alors mandé un agent assermenté, lequel aurait dressé procès-verbal. Désormais, en effet, il incombe au personnel de signaler systématiquement les risques de PNT (pertes non techniques) puisque fatalement, n’est-ce pas, derrière ce genre d’infraction se dissimulent de redoutables asociaux, qui détournent notre sève nucléaire pour la fourguer aux hirondelles en panne de batterie.
Ohm-Homme-Ôm ajoute qu’il est tenu de débusquer et de cafeter au moins deux PNT par mois, sans quoi ça risque de lui chauffer grave les oreilles côté plan de carrière et choix d’affectations. Il me confie son écœurement, il vit cela comme un appel à la délation. Désobéir ? Pas facile. On lui a bien fait comprendre qu’il courait le risque qu’un collègue (Ohm-Homme-Ôm dit encore « un copain »), intervenant ultérieurement sur le même site, révèle à ses supérieurs et la contravention et la défaillance professionnelle de son prédécesseur. On l’a vu par le passé, rien de tel qu’une saine émulation pour transformer une corporation fraternelle en une cohorte de salopards.
On nous enseignait autrefois qu’il est inconvenant de montrer quelqu’un du doigt, que dénoncer son voisin est une mauvaise action. Et les enfants guillerets comptinaient : « t’es qu’un rapporteur à quatre chandelles ! ». C’était du temps de la bougie, avant l’électricité. A la lumière du jour d’aujourd’hui, il nous faudrait courber l’échine, nous incliner selon un angle que les rapporteurs se chargeraient de mesurer. Moi, je me battrai pour conserver l’angle droit. Et tant pis si j’ai peu de moyens. A l’équerre comme à l’équerre !