mercredi 18 juin 2008

De l'amourhhée

J'ai planté trois petits palmiers dans mon jardinet simplet. Faut-il les arroser? L'ami Stang, qui vient à passer, m'en dissuade. D'une main d'autorité, il creuse le sol dessiqué. Plus en profondeur, la terre est humide. "Les racines vont devoir s'allonger pour aller chercher l'eau", conclut-il. "Ainsi tes arbres seront mieux ancrés, plus résistants. Si tu arroses, les racines se la joueront feignasses, en surface. Et au premier grand vent, au revoir tout le monde!".
Ainsi de l'amour, soliloqué-je sous l'oeil ahuri de mes melons et pimprenelles. Je sentimente, au débouché d'une scrutation quinquagénaire du biotope où je m'emberlificote, que plus ça va, plus les gens aiment leurs mioches. Et que ça sirupe à tire-larigot, au kilomètre au kilo! C'est-y qui qu'on aime vraiment quand on aime autant? Va savoir. C'est-y quoi qu'on ancre en soi? Et ces enfants trop imbibés,aux racines aériennes, résisteront-ils à l'ouragan prochain?
Tu sais quoi, camarade blogogriphu(e)? En ce trop-plein d'amour déversé, j'en viens à regretter le voussoiement, la distance, le respect de la porte close, le danger du silence. Certes, du temps de la crinoline, ça swinguait sec de la névrose dans les familles réfrigérées. Mais l'excès inverse? L'amourrhée, je l'appelle, est un fléau tout pareil.Une pathologie qui s'hérédite. Une maladie orpheline, comme on dit fort à propos. Car elle fait des orphelins d'enfants qui ont trop de parents.
Ceci posé, je l'avoue, j'ai quand même arrozilloté mes palmiers. Quelques gouttes. La juste mesure, espéré-je...

mardi 10 juin 2008

Du fait d'oser

Eulalie du Midi et son mari élèvent du vin. Un blanc qui vous diabligote le palais en mille et une nuits tant il ouvre d’arrière-chambres capiteuses. Ils vigneronnent leurs élixirs à flancs de coteaux. De chez eux, on contemple la plaine, la moquette à piquette. Eulalie s’étonne. Au Braise-Deal, on fait du carburant à partir d’alcool de canne. Pourquoi ici on n’en produirait pas à partir du raisin, plutôt que de subventionner l’arrachage des ceps ? Tout existe : les distilleries en nombre, le savoir-faire, la ressource humaine… En prime, ça valoriserait les bons crûs. La bibine industrielle exploserait les moteurs, et non plus les foies cirrhotiques. Les mauvais plants : un bon plan ! Eulalie n’est point niaise : elle sait l’omnipotence de la pétrocratie. Mais elle s’ahurit : en pleine crise existe-essence-ciel, comment se puissé-ce que nos élites étiolées somnolent sur le gisement des litres étoilés ? Il suffirait juste d’oser !
P’tit-Conservatoire est viticultrice, elle aussi. Elle a repris le domaine de ses parents, en douzième génération ! Trente hectares d’alchimie. Et un Mourvèdre à fissurer le gosier le plus janséniste. Au sommet d’un paisible pech (ainsi les Tant-occis désignent-ils une colline) une demeure altière se laisse courtiser par la langue sinueuse d’un sentier bordé d’oliviers vieux. L’endroit est superbe. Trop, peut-être. P’tit-Conservatoire se demande si ça n’intimide pas le flâneur de passage. Nous lui avouons que nous avions déjà repéré l’endroit, mais sans nous y aventurer. Et si P’tit-Conservatoire n’était pas venue nous voir en spectacle, nous serions passés à côté d’une belle rencontre et d’un vrai plaisir papillaire… alors qu’il nous suffisait juste d’oser !