mercredi 10 septembre 2008

De la bimbeloterie




A Taipei, en compagnie de Serge Dreyer, de Vincent Ruche et de votre Blogographe, vingt-cinq étudiants d’Asie ont ensemencé une graine machicotienne. Ainsi est né à l’Orient le Cirque du Détour…
Retour d’Asie. La sensation d’être éjecté d’un vortex bariolé. Taipei l’immense, populeuse et qui bosse, noria de scooters et de rires, enchanteresse aux papilles et parfois démoniaque au nez. Densité record mondial, course au pognon, arsenic en goguette, certes… mais on se sent si fluide en arpentant les venelles blindées bondées. Pas de tags pissouilleux marquant de tristes territoires, nulle resquille dans le métro, le vendeur qui te rattrape pour te rendre la monnaie qu’il aurait pu facilement te carotter vu que tu piges couic à la langue et aux idéogrammes. Les femmes gracieuses, les hommes courtois, l’élégance en simple T-shirt. Le regard aérien, tandis qu’au sol le poisson cru côtoie la bouche d’égout. Et les dieux et les fantômes qui se partagent un gâteau de lune au sommet des hyper-buildings. C’est imparfait, Taipei, comme partout : l’enfer pour certaines, le purgatoire pour beaucoup et l’illusion paradisiaque pour quelques uns. La mégapole a ses parfums, mais au moins ça ne sent pas l’eau de Javel. On me disait : la beauté première de Taiwan, c’est son peuple. Je confirme. Taipei la belle.
Retour d’Asie. A Amsterdam, déjà, la pression, l’agressivité quasi palpable dans la file d’attente alors qu’on est tous sûrs d’embarquer. Mon Ethargie de l’Ouest, qui me paraît désertique. Il me faut descendre à Pont-Triste-Vie pour y poster un colis. Dans le hall de la poste, je tombe des nues. On y vend désormais des albums timbrés, OK, des crayons de couleur, passe encore, mais aussi des films en DVD et même… des pochettes-surprises ! Je proteste, rejoint en cela par un brave monsieur qui nargue de son mégot le sanitairement correct et de sa gouaille la résignation convenue : « moi, lance-t-il, l’autre jour j’ai demandé une boîte de cassoulet, mais y en avait pas ! ». Le service public s’apprête à fermer les deux agences proches de chez moi, et se privatise en loucedé, se la joue bimbelotier. Ca ne colle pas, ce pauvre étal ici. Pour tout dire, c’est minable.
A Formose, il n’est pas un quart de mètre carré qui ne soit petit commerçant. Pourtant ça ne vous oppresse pas, ça coule comme une évidence millénaire. Ici, n’en déplaise aux speedés d’une Ethargie libérale, pareil foisonnement n’est pas dans notre culture. L’Asie triomphera si elle reste naturelle et se gaufrera si elle persiste à nous singer. Ibidem, la notion de service public est la garantie de notre survie, et à vouloir multiplier hors de raison l’écu sonnant et trébuchant, nous trébuchons déjà, et nous en sortirons sonnés.