samedi 31 mai 2008

Des p'tits frigos sur l'eau

Notre Cirque des Machicotes escale sur la rive du canal du Déjeuner. Entre platanes et oliviers matelotent les vacanciers fluviaux. Ce sont des retraités, pour la plupart, qui abandonnent leur sang trop lourd à la nonchalante artère aqueuse. Il y a quatre cents ans, beaucoup d'hommes jeunes sont morts en la creusant. Aujourd'hui, maman, ça sert à rien qu'à faire flotter des p'tits frigos sur l'eau, dont les clapots nerveux détériorent les berges.
A seulement quelques encablures, les marins pêcheurs de la Mermaid sont au désespoir. Les pompes s'enivrent. Le gas-oil est pompette. Et les métiers à moteur ont la gueule de bois. Les bateaux pour de vrai vont couler, tandis que les bateaux pour de faux pullulent. Satané progrès !
Les amies charmantes qui nous accueillent ici tiennent une librairie, à ce qu'il paraît le plus grand repaire de livres anciens connu en Europe. Les reliures par dizaines de milliers y patientent, font le dos rond pendant que se noient les travailleurs des embruns et que oisivent les rentiers de l'emprunt. Les livres ont de la feuille, c'est bien connu. Ils nous entendent avec l'acuité des reclus en silence. Et ils ont réponse à tout. Aujourd'hui, je me demande s'il n'est pas vain d'opposer contrepèteries et pirouettes au déferlement blindé de la sottise. IlnI m'offre un exemplaire de La Cloche de Ferragus, tonitruant pamphlétaire anti-Napoléon III. Au premier hasard, j'y lis ma consolation: "le calembour est au fond de tout; c'est ce qui rend le français indispensable au monde".

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