vendredi 29 février 2008

De la crapaudaille

Tranquilles, on s’apprêtait à commémorer la quadragénarité du chaud mai 68, et voilà qu’un printemps vénéneux s’avance dès la fin février. A Lutèce, enivrés d’un laisser-aller douceâtre et assassin, les insectes nuisibles essaiment et se haïssent, s’immiscent en mystère sous l’armure républicaine, piquent le corps social jusqu’au sang. En nos campagnes, autre jeu de massacre. Les crapauds ahuris rampent hors des fossés. Et sur l’asphalte vespéral, ils pullulent, pléthorent, cohortent et légionnent. Benêts béats ba, ils s’offrent à la décimation. Ca roule pour eux ! Enfin… sur eux. On a beau être vigilant du volant, fatalement le pneu batraciphage finit par s’en tartiner un. La route vous prend un air guilleret de Waterloo verruqueux, semé de galettes sordides hérissées de petits membres disloqués pointant le ciel en une pauvre imploration : s’il te plait, le Bon Dieu, la prochaine fois, tu nous réincarnes en semi-remorques, du genre qu’on y regarde à deux fois avant de les écrabouiller sur la chaussée.
Frères et sœurs blogogriffus, ne trouvez-vous point que nous avons ces jours un air de crapauds ? Bonasses et pépères, sans vraiment l’envie d’en découdre, plus interloqués que colères, l’incongru a fini par nous tirer de dessous nos pierres, le nez en point d’interrogation : c’est quoi c’est-y ce bazar qui se passe ? Et on sent bien qu’il va falloir y aller voir. Descendrons-nous dans la rue ? Nos camarades amphibiens nous démontrent que le goudron est le support idéal sur lequel écraser « crapauderies » et « crapaudailles » (1). Envahirons-nous la cuisine électorale ? Nous y serons cuits « à la crapaudine », aplatis tout pareil, comme on accommode les pigeons.
Pour l’heure, la réflexion nous rive sur les bas-côtés herbus. Cela peut durer encore. Le crapaud résiste longtemps au jeûne et à la dessiccation. Mais tôt ou tard, ainsi que lui commande son déterminisme écologique, il finira par gober le nuisible enhardi.
(1) Mon pote Larousse l’Ancien m’apprend qu’on désignait de la sorte « les bandes de gens méprisables, hideux et repoussants ».

vendredi 22 février 2008

De l'épingle à nourrice

Le Conseil constitutionnel vient de recadrer le projet de loi sur la rétention de sûreté porté par la demi-nistre du Juste Vice…..
Nico l’Ancre, notre souverain révéré, notre souffrant référent, loué soit-il (voire on le vend si ça intéresse quelqu’un), veut prioritairiser à l’école les apprentissages fondamentaux. Blogogriffus amis, approuvons-le massivement. Un exemple entre mille : Madame Dati eût été bien inspirée de s’en tenir aux humanités essentielles dont se satisfaisait naguère le beau sexe, à savoir le Brevet des Etudes, et surtout, surtout, une bonne note en arts ménagers. Ainsi, plutôt que de patauger dans le concept glauque de rétention de sûreté, notre Garde des Sceaux, des Pelles et des Châteaux de sable, et nonobstant élégante garde-robe, aurait pu judicieusement puiser dans son bagage d’éducation domestique et produire de sa boîte à couture LA solution aux dangers de récidives, à savoir l’épingle de sûreté, encore dénommée épingle à nourrice.
Expliquons. Madame Dati s’étonne, et nous avec elle, que certains criminels ne sortent pas détendus de leur détention. En conséquence, la demi-nistre postule et pustule qu’il convient d’inviter iceux à la retenue, avec la même fermeté bienveillante et paternelle dont témoignaient nos surveillants généraux lorsque décidément nous nous montrions récidivants de la déconnade et qu’il urgeait de nous retenir quelques heures le jeudi. Sauf que dans le cas présent, il s’agira d’une colle ad vitam aeternam. D’où l’émergence du concept de rétention de sûreté, qui fera suite à celui de détention de dureté. Au passage, on soulignera qu’il existe une troisième notion, réservée aux déments de haut vol, celle de prétention de pureté. Mais les centres de prétention de pureté existent en nombre dans les mondes du spectacle, de la politique, des religions et des affaires, tandis que les centres de rétention de sûreté restent à créer.
Or donc, Madame la Harde des Sots, des Brelles et des Cachots de sable, abandonnez ce projet coûteux et compliqué. Et revenez-en aux sains fondamentaux. Quand un criminel se fait épingler, épinglez-le pour de bon ! Dans le gras du bide, avec une épingle à l’échelle. Puis accrochez-le n’importe où. Vu que ce sera une épingle de sûreté, il est pas prêt de l’ouvrir ! Alors on dira de vous, Madame, qui tant aimez vous parer du luxe haut couturier, « elle est vraiment tirée à quatre épingles ! ».